L'existence de Dieu


Grande Loge Souveraine de France - Rite de Stricte Observance Templière

 

  • Titre : L'existence de Dieu
  • Auteur : Eq:. Pro:. a Cro:. Lat:.

D'où vient la matière ?
Quelle est la cause première ?

Nous avons, naturellement, quelque connaissance générale et confuse de l’existence de Dieu. Que la vérité soit, en général, cela est évident ; Mais que la vérité première, comme le dit Thomas d’Aquin, ou cause première, comme le dit Aristote, soient, c’est ce qui n’est pas évident pour nous. Tout d’abord, d’où vient le terme « Dieu » ? Étymologiquement, la racine relève du langage commun des peuples européens : le proto-indo-européen. Le terme originel est Deywós, qui signifie « céleste » ou « divin », qui donnera le grec Théos, puis le latin Deus, et enfin le français Dieu. Comme l’écrit fort justement Saint Jean dans son Évangile, 1,18, « Personne n’a jamais vu Dieu ». Il est donc impossible de démontrer l’existence de Dieu, par contre nous pouvons démontrer la possibilité de l’existence de Dieu…

***LA MATIERE ET L’ETERNITE***

Posons nous la question suivante : d’où vient la matière ?
D’où vient tout ce qui nous entoure, animal, végétal ou minéral ? En l’état actuel des avancées scientifiques, nous avons temporellement régressé jusqu’au « Big bang ». La théorie du « Big bang » explique que toute la matière existante dans l’univers était compactée en une seule et unique boule, dont la taille n’est pas imaginable, puis que cette boule a explosé, éparpillant la matière dans toutes les directions possibles, créant ainsi l’univers connu. Il serait tentant de s’interroger sur le pourquoi de cette explosion, voire sur le « qui » ou le « quoi » a produit cette explosion. Ce serait en fait du temps perdu, car cette explosion, si formidable soit-elle, n’a eu pour effet que de modifier la forme de la matière existante, passant d’une seule et unique gigantesque boule, à des milliards de planètes, soleils et autres étoiles. Et la question reste la même, d’où vient la matière ? Nous pouvons ainsi régresser à l’absurde, à l’image de l’insoluble question de savoir qui de la poule ou de l’œuf est arrivé en premier... Jusqu’à admettre cette possibilité : Il y a eu un acte pur d’intellection, amenant la Création. Cette intelligence créatrice ne peut être qu’immatérielle, sinon, nous en reviendrions à la question initiale : d’où vient la matière ? Et pour que cette intelligence, créatrice et immatérielle, n’ait pas été elle-même créée, il faut qu’elle soit la première, et pour qu’elle soit la première, sans avoir été créée, il faut qu’elle soit éternelle, c’est-à-dire sans commencement, ni fin.

Peut-on démontrer la possibilité de l’éternité ?
Le plus simplement du monde. Un de ces soirs, sortez dehors, prenez une minute et regardez le ciel étoilé, puis faites ce simple constat : Il n’y a pas de fin...

***LES « CINQ VOIES » DE THOMAS D’AQUIN***

Au-delà de la matière et de l’éternité, les « Cinq Voies » sont cinq arguments élaborés par Thomas d'Aquin pour démontrer la possibilité de l'existence de Dieu. Ces arguments sont présentés dans son œuvre majeure, la « Somme théologique », et sont basés sur l'observation du monde naturel et la logique.

La voie du mouvement
Le mouvement peut être défini comme le passage d'un état d'être à un autre état. Cet état peut concerner des objets matériels, des états d'esprit ou des concepts abstraits. Par exemple, un objet qui se déplace dans l'espace ou une personne qui évolue dans ses pensées illustre bien cette notion de transition. Le mouvement implique ainsi un changement qui peut être observable et mesurable, qu'il soit physique, intellectuel ou émotionnel.
Pour qu'un mouvement se produise, il est nécessaire qu'il y ait un agent moteur, c'est-à-dire une cause ou une force qui initie et propulse ce changement. Sans une telle cause, le mouvement ne peut exister. Cette idée renvoie à la notion de cause et d'effet : chaque mouvement observable trouve son origine dans un ancien état, agencé par une force extérieure ou interne. Cela peut être illustré par des exemples de la physique classique, où un objet en mouvement nécessite une force (comme une poussée ou une traction) pour changer d'état.
Au terme de cette approche sur le mouvement, il apparaît logique de conclure qu'il doit exister un premier moteur immobile qui initie tous les mouvements sans lui-même être en mouvement. Cette pensée renvoie à la philosophie aristotélicienne, où l'Un ou le Premier Moteur est envisagé comme une cause première, qui n'éprouve aucun changement, mais qui est à l'origine de tous les autres mouvements. Dans le cadre d'une réflexion théologique, ce principe peut être identifié à Dieu, qui, en tant qu'entité transcendantale, est l'origine non causée de l'existence et du changement dans l'univers. Cette conclusion cherche à établir la nécessité d’un fondement immuable sur lequel tous les changements peuvent être envisagés.

La voie de la cause première
La notion de causalité repose sur l'idée qu'un événement ou un état (appelé effet) est le résultat d'une ou plusieurs causes. Dans le monde, chaque chose semble avoir une cause, et nous pouvons observer une chaîne de causalité qui relie des événements entre eux. Par exemple, en physique, chaque réaction chimique ou mouvement d'un objet est le résultat de facteurs antérieurs qui lui ont donné lieu. Cette analyse met en évidence que l'univers est régi par des lois de cause à effet, où chaque manifestation est profondément ancrée dans un réseau complexe d'interactions. Cela soulève la question essentielle de savoir si cette chaîne de causes peut être infinie ou si elle doit finalement déboucher sur une cause première, un point d'origine inévitable qui initie tout sans être lui-même causé.
Les causes peuvent être classées en deux catégories : nécessaires et contingentes. Les causes nécessaires engendrent leurs effets de manière inéluctable ; elles sont indispensables à l'occurrence d'un événement. Par exemple, la loi de la gravité est une cause nécessaire pour comprendre pourquoi des objets tombent lorsqu'ils sont lâchés. Inversement, les causes contingentes sont celles qui ne sont pas indispensables pour que l'effet se produise ; elles peuvent être présentes ou absentes sans influencer la survenue de l'effet. Par exemple, la pluie peut être une cause contingente de la floraison des plantes, mais d'autres facteurs, comme la température ou la qualité du sol, peuvent également jouer un rôle. Cette distinction est cruciale pour comprendre la nécessité d'une cause première : si toutes les causes étaient contingentes, cela impliquerait une dépendance illimitée et finalement une absence de fondement ultime.
Pour répondre à la question de la causalité, il devient impératif d'affirmer l'existence d'une cause première, qui ne dépend d'aucune autre cause pour exister. Cette cause première, souvent identifiée comme Dieu dans de nombreuses traditions philosophiques et théologiques, est considérée comme la source ultime de tout ce qui est. Contrairement aux causes contingentes, qui existent en vertu d'autres éléments, la cause première est nécessaire et tout-suffisante ; elle ne peut pas ne pas exister. L'argument de la nécessité d'une cause première se base sur le principe que, pour que quelque chose existe, il doit y avoir un point d'origine transcendantal, un fondement qui initie l'existence et la causalité sans le besoin d'être lui-même causé. Cette cause première est donc envisagée comme immuable, éternelle et indispensable à l'existence de l'univers. Ce raisonnement philosophique nous conduit à reconnaître la possibilité d'une entité divine comme la source ultime de toute réalité.

La voie des contingences
Dans notre expérience quotidienne, nous constatons la présence d'êtres contingents, c'est-à-dire des êtres dont l'existence dépend de facteurs extérieurs et qui pourraient ne pas exister. Par exemple, les humains, les étoiles, les plantes et même les objets inanimés sont tous des exemples d'êtres contingents — ils ont une origine et, à un moment donné, pourraient ne pas être. En revanche, les êtres nécessaires existent par nature et ne dépendent d'aucune autre réalité pour exister. Ils sont souvent décrits comme des vérités ou des principes éternels, comme les lois de la logique ou les vérités mathématiques. La distinction entre ces deux types d'êtres est cruciale pour comprendre pourquoi une réalité nécessaire doit exister dans l'univers.
Si tout ce qui existe était contingent et donc sujet à la possibilité d'une non-existence, alors nous nous retrouverions dans une situation où à un moment donné, rien n'existerait. Pour éviter cette aporie, il doit exister une réalité nécessaire qui assure l'existence des êtres contingents. Cela signifie qu'il doit y avoir quelque chose qui n'est pas contingent, quelque chose qui est à l'origine de la possibilité même de l'existence. Cette réalité nécessaire est la condition fondamentale pour que les êtres contingents puissent exister, car sans elle, rien ne serait réellement assuré d'exister. En d'autres termes, l’existence continue de ce qui est contingent implique nécessairement l’existence d’un être nécessaire qui soutient et donne forme à la réalité.
Lorsqu'on envisage cette réalité nécessaire, il devient pertinent de l'identifier avec Dieu, tel que souvent conceptualisé dans la philosophie et la théologie. Dieu, en tant qu’être nécessaire, serait la source ultime de tout ce qui existe et la raison pour laquelle il est possible de parler de contingence. En tant qu’entité parfaite, immuable, et nécessaire, Dieu se distingue des êtres créés par sa nature même : Il n’est pas soumis à des conditions extérieures et est, par essence, la cause première de tout ce qui est. Ainsi, l’existence d'une réalité nécessaire, qui explique la contingence d'autres êtres, nous amène à conclure que cette réalité est Dieu, l'ultime source de l’existence et de la cohésion de l'univers. Ce raisonnement nous ouvre non seulement à une contemplation profonde de l'existence, mais aussi à une compréhension philosophique et spirituelle de la divinité.

La voie des degrés de perfection
En observant le monde qui nous entoure, nous remarquons qu’il existe une variété de niveaux d’existence et de perfection parmi les êtres. Par exemple, certains objets inanimés, comme des pierres, possèdent une existence, mais ils n'ont que peu de qualité et de perfection. Les plantes et les animaux manifestent des degrés plus élevés de vie et de complexité. Les êtres humains, avec leur capacité de raisonnement, leurs émotions et leur conscience, illustrent encore un niveau supérieur de perfection. Cette hiérarchie des degrés de perfection est manifeste dans la diversité de la nature, des simples éléments matériels aux êtres vivants doués de raison. Cette observation nous conduit à interroger la source de ces différences et à envisager un fondement ou une source de toute perfection.
À partir de l’observation des différents niveaux de perfection, il est raisonnable de concevoir l'idée d'un être qui serait par définition parfaitement parfait et qui incarnerait toutes les qualités dans leur plénitude. Cet être serait la source de toutes les autres formes de perfection que nous observons dans le monde. On peut penser à cet être comme à une essence absolue qui dépasse toutes les imperfections reliées aux êtres contingents. Par exemple, si nous parlons de bonté, nous pouvons observer des manifestations de bonté chez les êtres humains, mais il doit exister une bonté parfaite qui serait la mesure et la source de toute bonté. Ce principe peut être élargi à d'autres attributs tels que la vérité, la beauté, la puissance, et ainsi de suite. Ce processus d'identification d'une source parfaite de toutes ces qualités conduit naturellement à la conception d’un Dieu, conçu comme l'être suprême.
Le raisonnement sur les degrés de perfection nous amène à postuler l'existence d'un être divin qui serait la perfection ultime. Cet être, Dieu, serait non seulement la source de toutes les perfections que nous discernons dans le monde, mais il serait également le modèle et la référence pour toute chose. La reconnaissance de ces degrés de perfection et l'élaboration de l'idée d'un être parfait comme constituant la base de toutes les réalités nous permettent de comprendre plus profondément non seulement le monde, mais aussi notre relation avec celui-ci et avec le divin. Ainsi, l'existence de Dieu comme l’apex de la perfection ultime devient une conclusion philosophique et théologique logique, renforçant notre compréhension d’un monde qui est ordonné selon différents niveaux d’excellence.

La voie de l’ordre du monde
L'argument téléologique, également connu sous le nom d’argument du dessein, repose sur l’observation que la nature présente un ordre remarquable et apparent de structure et de fonction. Ce phénomène d’organisation observable se manifeste dans les systèmes biologiques, les cycles écologiques, et même dans les mouvements célestes, comme celui des planètes autour du soleil. Par exemple, les lois de la physique qui régissent le mouvement des corps célestes, ainsi que l'harmonie complexe des écosystèmes, révèlent un degré d'organisation qui suggère la présence d'un but et d'une finalité. Chaque élément de cet ordre semble fonctionner en collaboration avec les autres, indicatif d’un design réfléchi. L’existence de ces énergies convergentes et de cet équilibre délicat au sein de la nature amène à conclure qu’il doit y avoir une cause ou un principe directeur qui anime cet ordre.
L'un des postulats majeurs de l'argument téléologique est que cet ordre et cette finalité ne peuvent pas simplement être le fruit du hasard ou d'une évolution aveugle. Au contraire, l'ordre observé dans la nature semble nécessiter l'intervention d'un esprit intelligent. Cet esprit serait capable de concevoir et de mettre en œuvre des lois et des principes qui régissent le fonctionnement de l'univers. Pour illustrer cela, on peut prendre l'exemple d'une montre : une montre précise ne peut pas exister sans un horloger qui l'a conçue et fabriquée. De la même manière, la complexité et la précision des systèmes naturels impliquent la présence d'une intelligence qui organise et dirige les éléments de la création. Au fur et à mesure que nous examinons la structure de la vie, des phénomènes, et des lois naturelles, il devient de plus en plus plausible qu'un esprit supérieur doit être à l’origine de cet ordre.
L'existence d’un esprit intelligent responsable de l’ordre et de la finalité dans la nature nous amène à identifier cet esprit comme Dieu. Cette conception de Dieu se présente non seulement comme une force créatrice, mais aussi comme une intelligence suprême qui supervise et tient ensemble l'harmonie du cosmos. En effet, la nature en elle-même, par son ordonnancement et sa complexité, devient une sorte de reflet de ce principe divin. Par conséquent, en examinant et en réfléchissant sur l'ordre du monde, nous ne pouvons qu’être conduits à reconnaître l’existence de Dieu comme le garant ultime de cet ordre, la source de toutes les lois qui régissent notre réalité et le but qui donne sens à l’existence.

***IMPORTANCE DE CES ARGUMENTS DANS LA THEOLOGIE CHRETIENNE***

Les « Cinq Voies » de Thomas d'Aquin jouent un rôle crucial dans la théologie chrétienne pour plusieurs raisons :
Thomas d'Aquin œuvre à établir un pont entre la foi chrétienne et le raisonnement philosophique. En fournissant des arguments rationnels pour l'existence de Dieu, il permet aux croyants de justifier leur foi dans un cadre intellectuel, tout en respectant les enseignements de l'Église.
Les arguments de d'Aquin ont posé les bases de la méthode scolastique, qui combine la théologie chrétienne avec les pensées gréco-romaines. Ce mouvement a démocratisé la théologie en la rendant accessible et systématique. Les « Cinq Voies » ont eu une influence majeure sur la pensée chrétienne, notamment parmi les théologiens du Moyen Âge et de la Renaissance. De nombreux penseurs chrétiens ont été inspirés à renforcer leurs croyances par des arguments rationnels et à défendre la foi face aux critiques.
Les démonstrations de Thomas ont servi de réponse aux écoles de pensée rationalistes et aux scepticismes émergents de l'époque, démontrant que la foi et l'intellect ne sont pas en opposition mais peuvent coexister et se soutenir mutuellement.
Bien que la philosophie moderne ait introduit de nouvelles critiques et perspectives, les « Cinq Voies » continuent d'être étudiés et débattus dans le cadre des discussions sur l'existence de Dieu, montrant leur pertinence et leur force évocatrice à travers les siècles.

En résumé, les « Cinq Voies » de Thomas d'Aquin non seulement offrent une fondation philosophique à la croyance en Dieu, mais elles étayent également une tradition intellectuelle où la foi et la raison s'enrichissent mutuellement, façonnant ainsi la théologie chrétienne pour les générations futures.